Utiliser l’intelligence artificielle générative : interroger le sens de la demande

Voici un billet d’humeur qui se penche sur une question aussi complexe que fascinante : peut-on réellement savoir pourquoi, ou plutôt quand, faire appel à l’intelligence artificielle générative pour apprendre de nouveaux concepts ?

D’un côté, l’accessibilité croissante de ces outils suscite un enthousiasme légitime. Après tout, quel privilège de pouvoir formuler une question, parfois complexe, et d’obtenir immédiatement une réponse sophistiquée, voire élégante. Cette disponibilité quasi magique a de quoi impressionner, et l’on serait tenté de se dire : utilisons ces modèles dès que nous en ressentons le besoin. Pourquoi s’en priver ?

Pourtant, il existe un revers à cette médaille : jusqu’à quel point savons-nous ce que nous cherchons vraiment ? Nous interroger sur la pertinence du moment où l’on sollicite l’IA, c’est en quelque sorte nous demander si nous sommes capables d’évaluer la justesse, la profondeur et la richesse de la réponse obtenue. L’incertitude qui entoure l’apprentissage de concepts inédits vient souvent d’une imprécision initiale dans la formulation de la question. Peut-on alors reprocher à une IA de répondre à côté, ou de façon creuse, si nous-mêmes n’avons pas su exprimer clairement ce que nous souhaitions apprendre ?

En vérité, l’apprentissage n’est pas un simple processus de consommation de réponses. C’est un cheminement fait de tâtonnements, d’ajustements, de retours en arrière. Or, faire appel à l’IA au moment où l’on hésite pourrait, paradoxalement, nous détourner de cette démarche exploratoire si précieuse. La tentation est grande de croire que l’outil génératif, en offrant une solution rapide, nous dispense de l’effort intellectuel. Mais n’est-ce pas justement cet effort qui fait la valeur de la connaissance ?

Il ne s’agit pas de diaboliser l’intelligence artificielle. Bien au contraire : elle peut devenir un précieux compagnon d’étude, un guide suggérant des pistes, un miroir renvoyant nos propres lacunes. L’important est de savoir pourquoi nous la sollicitons. Cherchons-nous une réponse toute faite ? Voulons-nous confronter nos doutes à un esprit numérique, afin de mieux cerner la question elle-même ? Avons-nous des critères clairs pour évaluer ce qui fait sens dans la réponse ?

Finalement, la question de savoir quand ou pourquoi utiliser l’intelligence artificielle générative n’admet pas de réponse unique ni définitive. Elle tient plutôt de l’exercice réflexif : apprendre à interroger nos besoins, à reconnaître nos incertitudes, à accepter que l’apprentissage ne soit pas linéaire. La présence de l’IA ne doit pas masquer le fait que nous restons seuls maîtres de notre curiosité et de notre discernement.

C’est donc dans l’humilité, la patience et la lucidité que nous devrions envisager l’usage de cette technologie : non pas comme un raccourci pratique, mais comme un outil parmi d’autres, susceptible de nous aider à mieux formuler nos questions, et ainsi, à mieux comprendre ce que nous souhaitons réellement apprendre.

Apprendre à interagir avec l’IA pour mieux comprendre le HTML et le CSS

Imaginons un apprenant qui se lance dans la découverte du HTML et du CSS. Lorsqu’on débute dans ce domaine, il est souvent difficile de savoir précisément ce que l’on cherche : on a besoin de clarifications, d’exemples adaptés à son niveau, et surtout d’une guidance sur les concepts fondamentaux. Mais voici le problème : si l’on interroge une IA générative comme ChatGPT sans avoir une idée claire de ce que l’on veut apprendre, on risque d’obtenir une réponse soit trop vague, soit trop complexe, soit tout simplement décalée par rapport à nos objectifs pédagogiques.

Pour comprendre ce décalage, considérons une situation concrète : l’apprenant souhaite découvrir la différence entre une balise HTML sémantique (par exemple <header>) et une division générique (<div>). S’il ne pose pas la question de manière suffisamment précise, l’IA pourrait lui fournir un énorme bloc de code HTML/CSS pour créer une page complète, avec des animations, des effets de styles sophistiqués et une mise en page complexe. Certes, ce code sera peut-être techniquement correct, mais il ne répondra pas à la question initiale, qui était de comprendre un concept de base. Le résultat : une réponse inutilement lourde, voire intimidante, qui détourne l’apprenant de son objectif initial.

Ce problème vient du fait que l’IA ne devine pas l’intention pédagogique sous-jacente. Elle se contente de répondre à la formulation fournie. Lorsque l’on apprend, et que l’on ne maîtrise pas encore les fondamentaux, il faut être extrêmement vigilant : l’articulation de la question doit être le reflet du niveau de compréhension actuel. Sans cela, on se retrouve avec une réponse qui peut sembler pertinente techniquement, mais ne l’est pas d’un point de vue pédagogique. L’apprenant risque alors de s’égarer dans un flot d’informations non structurées, sans ancrage dans les concepts de base qu’il cherche justement à acquérir.

Cette distinction est cruciale : apprendre avec l’IA n’est pas la même chose que développer avec l’IA. Un développeur expérimenté sait déjà ce qu’il veut obtenir et peut poser des questions très pointues, ce qui guidera l’IA vers une réponse plus adaptée. Un apprenant, lui, a besoin de réponses qui clarifient, schématisent, simplifient et renforcent les bases. Sans un minimum de compréhension initiale, la formulation des questions à l’IA risque d’être approximative, voire hors sujet, donnant lieu à des réponses difficiles à exploiter pour progresser.

En d’autres termes : l’IA n’est pas un professeur qui adaptera spontanément sa réponse au niveau de l’élève, ni un formateur qui saura poser lui-même les bonnes questions pour vous. C’est un outil qui réagit aux sollicitations qu’on lui donne. Si celles-ci manquent de clarté, si elles ne sont pas ancrées dans un objectif d’apprentissage clairement défini, alors la réponse ne sera pas un tremplin vers la compréhension, mais un simple déversoir d’informations brutes.

En tant que formateur, le rôle est alors double : d’une part, sensibiliser les apprenants à l’importance de bien définir leurs besoins, leurs objectifs et leurs doutes avant de questionner l’IA ; d’autre part, les encourager à reformuler sans cesse leurs questions, à tester différentes manières d’interroger ChatGPT, afin de petit à petit affiner leur capacité à extraire l’information pertinente. C’est ainsi que, progressivement, l’apprenant ne se contentera plus de recevoir une réponse, mais saura engager un véritable dialogue constructif avec l’outil, en gardant toujours à l’esprit le cap pédagogique qu’il s’est fixé.